Le 21 novembre dernier, la FMOQ a déposé une demande de pourvoi en contrôle judiciaire concernant la Loi 2. Ce jour-là, l’Association des médecins omnipraticiens de Montréal (AMOM) tenait son assemblée générale annuelle. Il n’est donc pas étonnant que la nouvelle loi ait été au centre des discussions.
« On conteste la validité et la constitutionnalité de cette loi-là. Le problème, c’est qu’on peut attendre deux à trois ans avant d’obtenir un jugement sur le fond. C’est pourquoi on a aussi déposé une demande de sursis. Compte tenu de l’urgence de la situation et des effets irréversibles, et déjà observables, de la Loi 2, on demande aux tribunaux de l’invalider ou, du moins, de suspendre son application », a expliqué aux 120 médecins de famille présents le Dr Marc-André Amyot, président-directeur général de la FMOQ.
L’affiliation de l’ensemble de la population auprès d’un groupe de médecine de famille, la notion de pastille de couleur en fonction du niveau de vulnérabilité des patients, la rémunération liée à des indicateurs de performance volumétriques ou encore la modification unilatérale du mode de rémunération ne sont que quelques exemples de mesures que la FMOQ souhaite que le gouvernement mette de côté dans les plus brefs délais.
« On a un objectif : il ne faut pas que la loi soit appliquée le 1er janvier prochain tel qu’elle a été adoptée, car ses impacts sont majeurs, a poursuivi le Dr Amyot. Elle causera des réorientations de pratique, des retraites anticipées et l’exode de médecins de famille vers d’autres provinces. Mais le plus grave dans tout ça, c’est la démotivation des médecins du terrain qui continueront, à bout de souffle et à bout de bras, à tenir le système de santé. C’est difficile de rester engagé et de donner des soins de qualité dans un tel contexte. »
De nombreuses questions
Lors de l’assemblée générale, le Dr Amyot a écourté sa présentation pour répondre, avec son équipe, aux interrogations des membres montréalais. Et celles-ci étaient nombreuses. Parmi les questions, certaines concernaient la survie des cliniques médicales advenant l’application de la Loi 2. Qu’arrivera-t-il à celles dont les loyers sont à pourcentage ? L’inquiétude des médecins dans la salle était palpable.
En ce qui concerne l’affiliation de la population, Montréal est dans une situation particulière, a aussi fait valoir un médecin dans la salle. En effet, les médecins montréalais suivent plusieurs patients qui résident en banlieue. Ils voient aussi des réfugiés, des étudiants étrangers. S’ils conservent une clientèle hors territoire ou hors RAMQ, risquent-ils d’être pénalisés s’ils n’atteignent pas les indicateurs de performance pour la population affiliée ? La Loi 2 ayant été très peu expliquée par le gouvernement, le Dr Amyot et son équipe n’avaient pas de réponse à cette question. « Mais nous faisons tout en notre pouvoir pour éviter que la loi s’applique », a réitéré le président de la FMOQ.
Les craintes des médecins montréalais
Avant même l’avènement de la Loi 2, plusieurs cliniques de Montréal ont fermé leurs portes au cours des dernières années, a rappelé le Dr Samer Daher, président sortant de l’AMOM. « Le financement des cliniques est vraiment un problème au Québec. Notre association a beaucoup travaillé là-dessus et cela continue. Malheureusement, ce qui risque de se produire à cause de cette loi sera désastreux. »
Un sondage effectué du 3 au 11 novembre derniers auprès des membres de l’AMOM révèle en effet que près de trois cliniques sur quatre (72,6 %) appréhendent des difficultés financières majeures si la loi est appliquée. Plus de 45 % d’entre elles signalent même un risque immédiat de fermeture ou d’interruption des services. C’est le cas, entre autres, des cliniques L’Agora, Quorum, La Licorne et le Centre médical pour enfants de Lasalle qui ont déjà annoncé leurs intentions. « La première ligne ne peut pas absorber un tel choc, affirme la Dre Pascale Breault, nouvelle secrétaire de l’AMOM. La Loi 2 devait améliorer l’accès, mais elle produit l’effet inverse. Elle accélère le départ des médecins et met en danger les patients vulnérables. »
Le Dr Daher trouve injuste par ailleurs que la propriété des cliniques médicales ne soit pas réservée aux médecins, contrairement aux règles d’autres professions de la santé. Un dossier sur lequel l’AMOM travaille depuis un certain temps, a-t-il indiqué lors d’une entrevue avant l’assemblée générale. « En tant que médecin propriétaire, je m’assure que les revenus couvrent les dépenses et qu’on ne coupe pas dans les services pour dégager un profit. Est-ce la même vision chez les promoteurs non-médecins ? Les objectifs de chacun sont différents. L’un cherche un retour sur l’investissement. L’autre, une qualité de pratique pour son groupe. »
La vague de départ de médecins est une autre préoccupation de l’AMOM. En raison de la Loi 2, ses membres sont de plus en plus nombreux à aller exercer dans une autre province ou à prendre une retraite anticipée. Le sondage de l’association révèle que plus de 400 médecins ont signifié leur départ ou sont en train de le préparer en raison de l’adoption de la Loi 2. Quelque 400 000 patients risquent ainsi de perdre leur médecin de famille.
Même lorsque la FMOQ et le gouvernement parviendront à un accord, les médecins de famille qui préparent leur départ ne reviendront pas tous sur leur décision, estime le Dr Daher. « Certains affirment qu’ils ne changeront pas d’avis parce qu’à chaque renouvellement de l’Entente, il y a une campagne de salissage et d’instrumentalisation politique des médecins, particulièrement des médecins de famille. Cette technique de négociation, utilisée depuis longtemps par les gouvernements successifs, affecte le moral des troupes et nous fait perdre de plus en plus de médecins. »
Changement de garde
Les membres de l’Association des médecins omnipraticiens de Montréal ont élu une première femme à la présidence : la Dre Geneviève Chaput. La Dre Pascale Breault a pour sa part été élue secrétaire tandis que le Dr Chakib Setti a quant à lui été élu par acclamation au poste de trésorier. Le Dr François-Pierre Gladu conserve son poste de vice-président. De plus, deux nouveaux conseillers de secteur ont fait leur entrée au conseil d’administration : la Dre Dominique Hotte et le Dr Mathieu Hanna. Ils se joignent à la Dre Hala Lahlou, qui a été reconduite dans ses fonctions par le conseil d’administration, ainsi qu’à la Dre Isabelle Paradis et au Dr Didier Serero qui ont été réélus.
Lors de l’assemblée générale, la Dre Odile Kowalski, secrétaire sortante de l’AMOM, a rendu hommage au Dr Samer Daher, le président sortant. « Travailleur acharné, le Dr Daher a dynamisé les membres de l’AMOM par son énergie communicative et son enthousiasme. Il a représenté les médecins montréalais et défendu leurs intérêts avec conviction. Il est aussi l’instigateur de nombreuses initiatives dans différents dossiers, par exemple en sonnant l’alarme à propos des cliniques au bord de la faillite. Son dévouement, son intégrité et sa passion pour son travail sont un exemple pour nous tous. »