Nul doute, l’alimentation méditerranéenne est bénéfique. Mais qu’arrive-t-il à la densité minérale osseuse (DMO) si l’on adopte un régime méditerranéen hypocalorique ? Et que se produit-il si, en même temps, on augmente l’activité physique ?
La réponse ne serait pas la même chez les femmes et chez les hommes. Du moins pour les sexagénaires ayant un syndrome métabolique. Chez les femmes, l’intervention globale atténuerait la diminution de la DMO potentiellement liée à la perte de poids et à l’âge. Chez les hommes, aucune différence n’apparaîtrait, selon une étude publiée dans le JAMA Network Open1.
De nouvelles habitudes de vie
L’essai clinique PREDIMED-Plus, mené dans 23 centres en Espagne, rassemblait des participants de 55 à 75 ans ayant un syndrome métabolique et atteints d’obésité ou présentant de l’embonpoint. Les femmes constituaient 49 % des sujets.
La moitié des participants, sélectionnés au hasard, pouvaient manger à volonté une alimentation méditerranéenne et ne recevaient pas de recommandations particulières concernant l’activité physique.
L’autre moitié a suivi un régime méditerranéen réduit de 30 % en calories et a augmenté son activité physique. Les participants de ce groupe devaient accroître graduellement leur quantité d’exercice pour atteindre les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé pour les adultes de 65 ans et plus, soit 150 minutes par semaine d’activité physique de modérée à vigoureuse. Ils étaient encouragés à :
- marcher au moins 45 minutes par jour, six jours par semaine ;
- pratiquer des exercices de force, de souplesse et d’équilibre trois jours par semaine ;
- faire de 30 à 40 minutes d’exercices de résistance deux jours par semaine.
Pour modifier plus facilement et de façon durable leurs habitudes de vie, les participants du groupe expérimental ont appris des stratégies comportementales et motivationnelles, comme l’auto-évaluation, la détermination d’objectifs et la résolution de problèmes.
L’étude, qui comptait 6874 personnes, âgées en moyenne de 65 ans, portait en premier lieu sur la prévention des maladies cardiovasculaires. Cependant, dès le départ, les chercheurs avaient déterminé que les sujets de quatre des centres passeraient aussi une ostéodensitométrie (du fémur total, de la colonne lombaire et du trochanter fémoral) et auraient une mesure de la teneur minérale des os. Une analyse secondaire sur la santé osseuse a ainsi pu être réalisée sur 924 patients.
Volet « santé des os »
Qu’ont donné, au bout de trois ans, l’alimentation méditerranéenne hypocalorique et l’accroissement de l’activité physique ? Sur le plan pondéral, les 460 participants du groupe expérimental du volet « santé osseuse » ont perdu 3 % de leur poids contre 0,7 % chez les 464 sujets du groupe témoin. Un écart de 2,2 kg.

Sur le plan de la densité osseuse, une différence significative s’est dessinée chez les femmes. L’écart entre les deux groupes concernant la variation de la DMO de la colonne lombaire était significatif. Ainsi, à la fin de l’étude, le changement moyen de densité osseuse était de 1,3 g/cm2 dans le groupe témoin et de 0,4 g/cm2 dans le groupe intervention (P 0,005). Chez les hommes, par contre, aucune différence n’a été notée.
Cette discordance entre les sexes ne surprend pas le Dr Jean-Pierre Raynauld, rhumatologue et professeur adjoint de clinique à l’Université de Montréal. « Il s’agit d’hommes et de femmes d’environ le même âge. On sait que, chez les femmes, la perte de masse osseuse commence à s’accélérer grandement à partir de la ménopause. Chez l’homme, on voit peu ce phénomène dans la soixantaine. Cependant, si on avait évalué des hommes de 70 ou de 75 ans, par exemple, la situation aurait pu être différente. À cet âge, l’homme rattrape la femme en ce qui a trait à la perte de masse osseuse. »
Par ailleurs, chez les femmes, les données étaient statistiquement significatives uniquement pour la colonne vertébrale. Elles ne l’étaient pas pour le fémur.
Une certaine protection osseuse

« La crainte des experts en santé osseuse qui ont mené l’étude, c’était que la perte de poids diminue la densité osseuse. Ils avaient déjà vu ce problème dans d’autres groupes, explique le Dr Jean-Philippe Emond, interniste gériatre au CIUSSS de la Capitale-Nationale. La crainte est encore plus importante lorsque les gens suivent des traitements pour perdre du poids. Il peut ne pas y avoir de compensations sur le plan des nutriments ou de l’activité physique pour s’assurer d’une bonne santé osseuse. L’idée, c’est de diminuer le risque de perte de densité osseuse liée à une perte de poids. »
L’alimentation devient alors une composante clé. « L’adoption d’une alimentation saine et riche en nutriments pendant la période de réduction des apports caloriques peut contribuer à préserver la densité minérale osseuse et le capital osseux total. L’alimentation méditerranéenne offre des bienfaits potentiels pour la santé osseuse à tous les âges », soulignent les auteurs dans leur article. Un apport suffisant en protéines, en calcium et en vitamine D est crucial, précise pour sa part le Dr Raynauld.
L’exercice a probablement joué un rôle important dans l’essai clinique. Les données montrent même une petite hausse de la DMO. « Il y a eu plus qu’un ralentissement de la perte de densité minérale osseuse dans le groupe expérimental, note le rhumatologue. On voit une augmentation de 0,4 g/cm2. Ce n’est pas un gain que l’on considère comme statistiquement significatif, mais c’est certainement une protection osseuse qui a été maintenue au bout de trois ans. Cette étude constitue un premier indice que l’activité physique pourrait offrir une certaine protection osseuse dans le cadre d’un régime amaigrissant », affirme le Dr Raynauld. La perte osseuse liée à l’âge a également été prévenue.
Des patients qui doivent être motivés
Mais dans quelle mesure le programme espagnol est-il applicable ? Les patients doivent non seulement avoir une alimentation méditerranéenne hypocalorique, mais devraient idéalement pratiquer au moins une heure d’exercice presque chaque jour. « Il faut des gens motivés. Il faut un suivi. C’est sûr que c’est une intervention qui nécessite beaucoup de ressources, reconnaît le Dr Emond. Mais en même temps, elle offre de nombreux autres bienfaits sur le plan de la santé générale. »
L’étude, par ailleurs, a des faiblesses. Pour commencer, il s’agit d’une analyse secondaire, mais qui avait été prédéterminée dans le devis de l’essai clinique. « L’étude n’était donc pas faite précisément pour évaluer la santé osseuse. Et elle concerne un sous-groupe très spécifique de la population : des gens de 55 à 75 ans ayant un syndrome métabolique, mais pas de maladie cardiovasculaire », mentionne le gériatre. En outre, l’essai a mesuré la densité osseuse et non les fractures, souligne le clinicien, tout comme le Dr Raynauld qui note lui aussi quelques failles.
Une préoccupation médicale actuelle
Au-delà des reproches que l’on peut lui adresser, l’étude est bien faite, estime le Dr Raynauld qui a suivi une formation en épidémiologie et en biostatistique appliquées à la rhumatologie à l’Université de Stanford, en Californie. L’essai clinique a par ailleurs un grand mérite. Il répond à une préoccupation actuelle. « Il arrive à un moment opportun dans le contexte actuel où l’on se pose des questions sur l’activité physique, l’alimentation et la perte de masse osseuse. »
Depuis quelques années, certains médicaments permettent un amaigrissement impressionnant. « Le patient va perdre beaucoup de poids. C’est magnifique. Il va perdre de la graisse et réduire son syndrome métabolique. C’est superbe, mentionne le rhumatologue. Mais ce dont on se rend compte, c’est qu’il y a une sarcopénie. » Et maintenant, la question de la perte osseuse se pose. Des solutions doivent être envisagées.
L’essai clinique PREDIMED-Plus constitue un pas dans cette direction, pense le Dr Raynauld. « L’étude montre que la pratique de l’activité physique a un effet bénéfique sur la masse osseuse lors d’une perte de poids. Ce sont des résultats préliminaires. Bien sûr, on a besoin d’un suivi plus long. Mais, essentiellement, dans le contexte où la perte de poids est devenue un sujet important dans les médias et dans le public et que des patients font pression sur leur médecin pour avoir de l’aide pour maigrir, la protection de la masse osseuse et de la masse musculaire doit être une préoccupation. »
L’étude est donc importante aux yeux du spécialiste. « Je vais d’ailleurs la présenter au congrès de l’Association des médecins rhumatologues du Québec à l’automne. »
bilibographie
1. Vázquez-Lorente H, García-Gavilán J, Shyam S et coll. Mediterranean diet, physical activity, and bone health in older adults: A secondary analysis of a randomized clinical trial. JAMA Netw Open 2025 ; 8 (4) : e253710. DOI : 10.1001/jamanetworkopen.2025.3710.