Droit au but

Le pourvoi en contrôle judiciaire

Pierre Belzile | 1 septembre 2025

Télécharger cet article

Reproduction, adaptation ou distribution du PDF interdite.

Comme on le sait, les coups de force législatifs du gouvernement à l’endroit des médecins de famille québécois ont fait les manchettes ces dernières années. Des lois souvent iniques, coercitives et assorties de sanctions. Le recours aux tribunaux est parfois nécessaire pour contrer ces malheureux exercices de contrainte. Pour s’en défendre, le pourvoi en contrôle judiciaire constitue l’un des moyens fréquemment utilisés. Voyons de quoi il en retourne !

Me Pierre Belzile, avocat, est directeur du Service juridique de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Contester la validité d’une loi

Au Québec, le pourvoi en contrôle judiciaire peut être uti­lisé pour contester la constitutionnalité d’une loi devant le tribunal.

Selon le contexte, le pourvoi en contrôle judiciaire peut être une procédure juridique essentielle pour garantir que les décisions prises par l’État respectent le principe de légalité. Cette procédure est particulièrement importante au Québec, où la Cour supérieure joue un rôle clé dans le contrôle des décisions gouvernementales.

Le non-respect de la charte des droits et libertés

La contestation d’une loi doit être basée sur des motifs constitutionnels. Il revient donc au demandeur de démontrer que la loi (ou une de ses dispositions plus spécifiques) viole les droits et libertés garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. Ces droits et libertés ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites raisonnables et de façon à pouvoir se justifier dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Par exemple, l’article 2 d) de la Charte canadienne des droits et libertés garantit la liberté d’association. Les médecins de famille québécois ont donc le droit de se regrouper en association. Ce droit leur est garanti. Si l’État en vient à adopter une loi qui viole ce droit, il devra démontrer, en cas de contestation, que sa loi, bien qu’elle puisse être discriminatoire, s’inscrit dans des limites raisonnables et qu’elle se justifie tout de même dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Mentionnons au passage que les principes sont essentiellement les mêmes pour la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Ainsi, l’article 3 de la charte québécoise garantit également la liberté d’association.

À l’occasion d’un pourvoi en contrôle judiciaire, les avocats des demandeurs invoqueront d’ailleurs la plupart du temps le non-respect des deux chartes.

Sommaire des étapes

Pour contester la légalité et la constitutionnalité d’une loi du gouvernement du Québec devant les tribunaux, il est impératif de suivre une procédure bien définie.

La première étape consiste à voir si l’on conteste une loi dans son ensemble ou seulement la validité de certaines dispositions spécifiques. La contestation peut être portée devant différents tribunaux, selon la nature de la loi et les circonstances de l’affaire. Au Québec, la Cour supérieure, principalement, a la compétence requise pour entendre les affaires de constitutionnalité.

La demande de contestation doit être soigneusement préparée et déposée auprès du tribunal compétent. Elle doit inclure tous les documents nécessaires, tels que les preuves, les arguments juridiques, les références aux dispositions constitutionnelles en cause et la jurisprudence pertinente (c’est-à-dire une série de jugements antérieurs émanant de différentes cours et ayant déjà traité de sujets semblables).

Une fois la demande déposée, la procédure judiciaire commence. Elle comprend plusieurs étapes, telles que les audiences préliminaires (parfois nécessaires pour discuter de certains points de droit), l’audition principale (y compris la présentation de témoins et de preuves, comme des écrits) et en dernier lieu, les plaidoiries des avocats.

Signalons que les délais sont longs. Plusieurs mois peuvent s’écouler avant la tenue de l’audition de la cause et la décision. Si la partie demanderesse considère que les longs délais sont de nature à lui causer un préjudice irréparable, elle peut demander au tribunal, en début d’instance, de sursoir à son application pendant la durée des procédures.

Décision du tribunal

Le tribunal rendra une décision basée sur les arguments et les preuves présentés. Si le tribunal juge que la loi ou la disposition est inconstitutionnelle, il peut la déclarer, en tout ou en partie, invalide. Elle cessera alors d’avoir effet. Le gouvernement peut être amené à modifier la loi pour la rendre conforme.

L’appel

Après la décision du tribunal, lorsque l’une des parties n’est pas satisfaite du jugement, elle peut faire appel. Cet appel peut être porté devant la Cour d’appel du Québec et, en cas de désaccord, éventuellement devant la Cour suprême du Canada si la décision est d'intérêt national. Elle commande bien entendu de nouvelles demandes écrites et un nouveau cheminement procédural. Il s’ensuit donc de nouveaux délais.

Conclusion

Contester la légalité et la constitutionnalité d’une loi du gouvernement du Québec est une procédure complexe qui nécessite une préparation minutieuse et une compréhension approfondie du droit constitutionnel.

-->