Me Petra Kalinova est avocate au Service juridique de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |

Le mot « conciliation » pique sa curiosité. Est-ce une plainte ? Une demande de remboursement ? Et surtout, quelles en sont les conséquences ? Si ce scénario suscite votre intérêt, c’est que le processus de conciliation auprès du syndic du Collège mérite d’être mieux connu.
Dans le présent article, nous clarifions les types de conciliation existants, les droits et responsabilités du médecin, les règles applicables et quelques conseils pratiques pour mieux naviguer dans ces situations souvent stressantes, mais parfois constructives.
La loi prévoit deux types de conciliation, souvent méconnus :
- la conciliation dans le cadre d’une enquête du syndic (Code des professions1) ;
- la conciliation dans le cadre d’un différend sur les honoraires (Règlement sur la procédure de conciliation et d’arbitrage des comptes des médecins2).
Conciliation dans le cadre de l’enquête du syndic
En vertu de l’article 123.6 du Code des professions, le syndic peut proposer une conciliation à la personne ayant formulé une demande d’enquête ainsi qu’au médecin concerné. Cette proposition peut survenir à tout moment avant le dépôt d’une plainte disciplinaire.
Le processus étant volontaire, les deux parties doivent y consentir. Le syndic doit informer le médecin de la nature de l’enquête afin qu’il puisse donner un consentement éclairé. Par ailleurs, le syndic doit évaluer la gravité du préjudice allégué et les antécédents disciplinaires du professionnel avant de proposer la conciliation. Certains types de fautes excluent la possibilité de recourir à ce processus, notamment si les actes allégués sont considérés comme dérogatoires à la dignité de la profession.
Lorsque les parties parviennent à une entente au cours du processus de conciliation, un règlement doit être consigné par écrit, signé par les deux parties et approuvé par le syndic (art. 123.7). Par la suite, la demande d’enquête est considérée comme retirée.
Il est important de souligner que les déclarations faites par le médecin lors de la tentative de conciliation ne peuvent être utilisées contre lui dans une instance juridictionnelle ou disciplinaire, sauf si elles sont sciemment fausses et faites dans l’intention de tromper (art. 123.8).
Si le médecin ou le plaignant refuse de participer à la conciliation, l’enquête du syndic se poursuit. Ce dernier déterminera s’il y a lieu de déposer une plainte disciplinaire.
Dans ce contexte, rappelons que même si le médecin choisit de ne pas participer à la conciliation, il demeure tenu par son devoir de collaboration avec le syndic. L’article 120 du Code de déontologie des médecins3 prévoit en effet que le médecin doit répondre dans les meilleurs délais aux correspondances du Collège et se rendre disponible pour toute rencontre jugée pertinente.
Conciliation relative aux comptes de médecin
Un deuxième processus de conciliation concerne les différends relatifs aux honoraires professionnels facturés par un médecin. Le cadre juridique est cette fois prévu par le Règlement sur la procédure de conciliation et d’arbitrage des comptes des médecins.
Lorsqu’un client (patient ou autre payeur) conteste le montant d’un compte pour des services non assurés par la RAMQ (comme des soins esthétiques ou des formulaires), il peut soumettre une demande de conciliation auprès du syndic. Ce processus est obligatoire avant de passer à l’arbitrage.
L’article 3 du Règlement prévoit qu’à compter du moment où le syndic informe le médecin de la réception d’une demande de conciliation, ce dernier ne peut pas, sauf autorisation exceptionnelle du syndic, intenter un recours en justice pour recouvrer les honoraires contestés tant que le processus de conciliation n’est pas terminé.
Dans le cadre de la conciliation, le syndic agit comme médiateur. Il communique avec le client et le médecin, recueille leurs versions concernant le montant que le client reconnaît devoir et celui que le médecin est prêt à accepter, le cas échéant, propose des pistes de règlement et, s’il y a lieu, rédige une entente finale (art. 8).
Si aucune entente n’est intervenue dans les 45 jours suivant la demande, le syndic doit produire un rapport écrit sur le différend destiné au client et au médecin (art. 9). Ce rapport détaille les montants en litige et la suggestion de règlement formulée par le syndic lors de la conciliation. Le client reçoit alors un formulaire de demande d’arbitrage qu’il peut transmettre au Collège dans un délai de 30 jours s’il souhaite obtenir une décision définitive du conseil d’arbitrage.
Poser des questions et se préparer
Dans les deux types de conciliation, si le médecin ne comprend pas bien le contenu de la lettre de convocation, il est en droit de poser des questions au syndic sur la nature exacte du différend ou de l’enquête à l’origine de la conciliation ainsi que sur les modalités et les objectifs de la rencontre. Par exemple, dans un but d’économie de temps, est-il possible de convenir d’une rencontre virtuelle ou téléphonique ? Ou encore, lorsque l’enjeu porte sur des honoraires, est-il possible de consentir à un montant moindre ou à un remboursement, le cas échéant, sans même tenir une rencontre ? Étant donné le caractère informel de la procédure, il est également tout à fait approprié de poser des questions au syndic sur le déroulement et les issues potentielles de la conciliation.
S’il le souhaite, le médecin peut en principe être accompagné d’un avocat. Dans certains cas, l’Association canadienne de protection médicale (ACPM) pourrait lui fournir une assistance juridique, mais le soutien offert peut varier selon la situation. Le médecin peut s’informer auprès de l’ACPM et lui transmettre les renseignements qu’il a reçus du Collège.
Enfin, il convient de rappeler que les deux processus de conciliation ont pour but de résoudre des différends à l’amiable, dans un esprit de collaboration et de manière informelle et confidentielle. La participation de bonne foi, la clarté dans les communications et une attitude respectueuse peuvent contribuer à un règlement efficace et satisfaisant pour toutes les parties. Qu’il s’agisse d’une enquête ou d’un différend sur des honoraires, la conciliation constitue une voie utile à explorer, tant pour protéger la relation avec le patient que pour éviter une escalade vers des procédures plus complexes.
Après avoir pris connaissance du processus et compris ses droits et obligations, le Dr Poulin se sent désormais mieux informé et prêt à aborder ce processus avec assurance et discernement.
Bibliographie
1. Québec. Code des professions, C-26. Québec : Éditeur officiel du Québec ; 2024.
2. Québec. Règlement sur la procédure de conciliation et d’arbitrage des comptes des médecins, chapitre M-9, r. 26. Québec : Éditeur officiel du Québec ; 2024.
3. Québec. Code de déontologie des médecins, chapitre M-9, r. 17. Québec : Éditeur officiel du Québec ; 2024.