Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |

En 2017, la Fédération a déposé un recours en jugement déclaratoire en Cour supérieure pour faire trancher le différend entre la Fédération et la RAMQ sur plusieurs situations où la RAMQ était d’avis qu’un médecin ne pouvait réclamer de frais à une personne assurée. La décision de 2020 a été portée en appel par la Fédération. La Cour d’appel lui a alors donné raison sur plusieurs points et a modifié plusieurs éléments de la décision de première instance. Un élément de la décision a provoqué une cascade de changements.
La Cour d’appel a statué que la demande d’autorisation d’un médicament d’exception n’était pas un service assuré, sans modifier la décision de première instance voulant que la demande d’autorisation du patient d’exception fasse partie des services assurés. La juge de première instance était d’avis que la demande du patient d’exception exigeait une évaluation individualisée de la part du médecin et faisait donc partie d’un service assuré, contrairement au médicament d’exception qui exige simplement d’indiquer un critère préétabli sur la demande. Curieusement, les deux services étaient visés par un article de la Loi sur l’assurance médicaments qui interdisait alors à un professionnel participant de facturer des frais à une personne assurée pour remplir l’un ou l’autre formulaire de demande d’autorisation, article qui n’était alors pas en vigueur.
Bref, la décision de la Cour d’appel est venue confirmer le fait que la demande de patient d’exception ne pouvait pas donner lieu à la facturation au patient, puisqu’elle était incluse dans les services assurés, mais qu’il était permis de le faire pour la demande d’autorisation de médicament d’exception.
À la suite de cette décision, le gouvernement a décidé de mettre en application l’interdiction de facturer des frais pour remplir une demande d’autorisation de médicament d’exception. Cette interdiction est en vigueur depuis le 1er mai 2024. Il est donc interdit depuis cette date de réclamer des frais à un patient pour remplir un tel formulaire.
Avant la publication du décret instaurant l’entrée en vigueur de l’interdiction de facturer des frais, des discussions ont eu lieu entre le ministère et la Fédération sur la rémunération de ce nouveau service assuré. La Fédération en a profité pour négocier un tarif pour la demande d’autorisation du patient d’exception en se disant que les médecins (et les patients) trouveraient curieux qu’un des services soit rémunéré, mais pas l’autre.
Résultat de ces négociations ? Depuis le 1er avril 2024, le médecin qui remplit une demande de patient d’exception pour la RAMQ ou un assureur privé peut facturer un nouveau code d’acte (RAMQ : code 70018, 80 $ ; assureur privé : code 70020, 80 $). Et depuis le 1er mai 2024, il peut aussi facturer un nouveau code d’acte (RAMQ : code 70017, 36 $ ; assureur privé : code 70019, 36 $) pour la demande d’autorisation d’un médicament d’exception pour la RAMQ ou un assureur privé. Les codes valent autant pour la demande initiale que pour la demande de renouvellement de l’autorisation. Le tarif est valable tant pour le formulaire sommaire que celui plus complexe. En effet, afin de simplifier la facturation et le suivi selon l’évolution des formulaires, un tarif moyen pondéré a été établi en fonction de la proportion attendue des formulaires des deux types.
Vous aurez compris que la différence de date entre patient d’exception (1er avril) et médicament d’exception (1er mai) vient du fait que le statut de la demande pour le patient d’exception n’a pas changé, contrairement à celui du médicament d’exception qui auparavant pouvait être facturé au patient. La date de mise en vigueur pour ce deuxième service dépend donc de la date à partir de laquelle il est interdit de facturer des frais au patient.
Si vous avez retenu votre facturation et conservé la date des services et les numéros d’assurance maladie des patients, de même que la nature du formulaire (patient ou médicament d’exception, assureur privé ou régime public), vous disposez de 90 jours depuis la date de la publication de l’infolettre de la RAMQ pour soumettre vos factures pour les services antérieurs effectués depuis les deux dates de mise en vigueur. Si vous n'avez pas retenu les informations nécessaires, vous pouvez retrouver vos demandes précédentes, grâce aux services en ligne, et donc les informations en cause du moins pour les demandes adressées à la RAMQ.
Vous avez d’ailleurs avantage à vous inscrire aux services en ligne et à transmettre vos demandes de patient ou de médicament d’exception à la RAMQ par voie électronique. En effet, d’ici deux ans, seules les demandes transmises en ligne donneront droit à la rémunération prévue si le taux de transmission en ligne à la RAMQ n’atteint pas 95 %. Le taux actuel est d’environ 91 %. Cette exigence particulière ne s’applique pas aux demandes transmises à un assureur.
D’ici là, certains d’entre vous ont pu tenter d’utiliser le mécanisme pour les services non tarifés (code 09990). La RAMQ refusait d’appliquer cette modalité, prétendant qu’elle savait qu’une tarification avait été convenue et qu’il ne s’agissait donc pas d’un service non tarifé.
Différences entre régime public et assureurs privés
Les médecins peuvent avoir plusieurs questions, plus particulièrement en ce qui a trait aux demandes des assureurs privés. Ces derniers sont à tout le moins tenus d’offrir la même couverture que le régime public d’assurance médicaments. Ils peuvent donc exiger qu’une demande d’autorisation leur soit transmise avant d’autoriser la couverture de certains médicaments d’exception. Le formulaire ne sera pas nécessairement identique à celui de la RAMQ, mais le produit visé le sera.
Toutefois, il y a une différence entre RAMQ et assureur privé concernant certains produits d’exception. Plusieurs produits font l’objet d’indications préautorisées codifiées par la RAMQ. Lorsque le patient est assuré par le régime public, le médecin n’a qu’à inscrire le code pertinent sur son ordonnance et n’a pas à remplir de demande d’autorisation. L’utilisation d’un tel code d’exception sur une prescription ne permet toutefois pas de réclamer le nouveau code de facturation.
Toutefois, les assureurs privés ne peuvent présentement saisir de tels codes lors du traitement d’une réclamation venant d’un pharmacien. Ils choisissent alors parfois de ne pas exiger d’autorisation préalable et remboursent simplement le produit. Dans d’autres cas, ils demandent au médecin de remplir un formulaire de demande d’autorisation. Comme une telle demande découle d’une volonté de respecter les obligations minimales du régime public d’assurance médicaments, un médecin qui doit remplir un tel formulaire à la demande d’un assureur privé peut facturer le code du médicament d’exception à la RAMQ. C’est donc dire que selon la modalité de l’assureur pour certains produits (demande d’autorisation chez un assureur privé, codification à la RAMQ), le médecin pourra facturer le code pour le service rendu à l’assureur, mais pas l’inscription du code sur l’ordonnance remise au patient assuré par le régime public.
Il est interdit de réclamer des frais à un patient pour une demande d’autorisation de médicament ou de patient d’exception, que la demande soit faite autant auprès d’un régime public d’assurance que d’un assureur privé qui offre une couverture comparable.
Les pratiques d’un autre assureur, soit Canada Vie, peuvent donner lieu à des questions sur son administration du régime d’assurances des employés fédéraux résidant au Québec. Cet assureur demande des autorisations pour des produits qui ne sont pas des médicaments d’exception, mais bien des produits couverts par le régime québécois, comme le Concerta, certaines préparations pour nourrisson ou d’autres produits.
Le régime fédéral d’assurance médicaments est présumé conforme au régime québécois, sans doute pour éviter des conflits entre les compétences fédérales et provinciales. C’est donc dire que, dans ce genre de situations, bien que Canada Vie soit le seul assureur à faire de telles demandes, le médecin peut facturer le nouveau code à la RAMQ lorsqu’il doit remplir une demande d’autorisation pour qu’un produit soit couvert.
Un autre programme fédéral, destiné aux autochtones, est légèrement différent, mais une demande d’autorisation d’un professionnel prescripteur est requise pour assumer le coût de certains médicaments ou produits couverts par le régime d’assurance médicaments (bandelettes pour glucomètre, par exemple). La rédaction de ces formulaires à des fins comparables au régime d’assurance médicaments est aussi visée par les nouvelles modalités. Ce programme est traité comme celui d’un assureur privé aux fins de la facturation.
Ces nouvelles modalités ne s’appliquent pas aux demandes d’assureurs privés qui veulent confirmer la nécessité de certains appareils médicaux qui ne sont pas couverts par l’assurance médicaments, comme l’appareil CPAP pour l’apnée du sommeil. Le médecin qui répond à un assureur lui demandant de justifier sa prescription d’un appareil technique pour être en mesure de juger s’il doit ou non le rembourser au patient peut par ailleurs facturer des frais au patient ou à l’assureur. Il faut juger au cas par cas et distinguer ceux qui sont couverts par un programme social (les aides à la marche, par exemple) pour lesquels le médecin ne peut pas facturer de frais au patient et ceux qui ne le sont pas (comme le CPAP) pour lesquels la facturation de frais au patient est permise.
Espérons que ces explications vous éviteront des faux pas et vous permettront de facturer à la RAMQ sans hésitation dans les situations permises. Bonne facturation !
Les nouveaux tarifs s’appliquent autant aux demandes visant la RAMQ qu’au assureur privé ou au programme fédéral pour les autochtones. Les tarifs sont les mêmes, mais les codes de facturation sont distincts entre assureur public et privé.