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Poids et santé cardiométabolique
Les aliments ultratransformés et minimalement transformés ne se valent pas

Maxime Johnson | 1 décembre 2025

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Une régime riche en aliments ultratransformés nuit plus à la perte de poids qu’un régime axé sur les produits peu transformés, même lorsque les deux suivent les lignes directrices sur l’alimentation.

L’association entre les aliments ultratransformés et certaines maladies non transmissibles était déjà connue. Pour la première fois, une étude évalue l’effet de cette alimentation sur le poids et la santé cardiométabolique dans le contexte de lignes directrices alimentaires officielles.

Publiée dans la revue Nature Medicine1, l’étude du chercheur Samuel Dicken de la University College London et de ses collaborateurs montre notamment qu’une alimentation de huit semaines riche en aliments ultratransformés a entraîné une perte de poids moyenne de 1,05 %. Huit semaines d’aliments peu transformés ont quant à elles provoqué une perte moyenne de 2,06 %, une différence de 1,01 % (IC à 95 %, p   0,024), soit près du double. Dans les deux cas, il ne s’agissait pas d’un régime amaigrissant, et l’alimentation respectait le Eatwell Guide, l’équivalent britannique du Guide alimentaire canadien.

« C’est la première fois qu’une étude montre clairement qu’il faut aller plus loin que les recommandations nutritionnelles. Il faut aussi mettre l’accent sur le degré de transformation des aliments », explique le Dr Josep Iglesies-Grau, cardiologue à l’Institut de cardiologie de Montréal.

Un protocole croisé

L’étude, menée auprès de 55 adultes en Angleterre, dont 90 % de femmes, a été effectuée selon un protocole croisé à répartition aléatoire de type 2 2. Chaque participant a suivi, dans un ordre aléatoire, deux régimes de huit semaines : l’un composé d’aliments peu transformés (ex. : légumes, œufs, yogourt nature) et l’autre, d’aliments ultratransformés (ex. : céréales à déjeuner industrielles et plats préparés), mais toujours en respectant les lignes directrices actuelles sur une alimentation saine. Une période d’élimination (washout) de quatre semaines, soit le retour à l’alimentation habituelle, a séparé les deux phases afin d’éviter les effets résiduels.

Les repas étaient fournis aux participants. Ces derniers pouvaient manger à satiété, ce qui permettait d’évaluer leurs comportements alimentaires dans des conditions réalistes. La majorité des sujets étaient des femmes, souvent des infirmières, ayant un indice de masse corporelle élevé (32,7 kg/m2 en moyenne) et une consommation habituelle d’aliments ultratransformés dépassant 60 % de leur apport calorique.

C’est un protocole semblable à celui d’une étude phare du chercheur Kevin Hall, publiée en 2019 dans la revue Cell Metabolism2. Cette étude montrait que les aliments transformés entraînaient une prise de poids plus grande que les aliments peu transformés. Cependant, elle n’avait pas suivi les recommandations officielles sur l’alimentation, contrairement à l’étude de Nature Medicine.

Samuel Dicken et ses collaborateurs ont noté d’autres différences entre les deux régimes. Le régime composé principalement d’aliments peu transformés a entraîné une réduction plus importante de l’IMC, des masses grasses, des triglycérides sanguins et des envies de manger que celui à base d’aliments ultratransformés.

Toutefois, ces améliorations n’ont pas conduit à des bienfaits cardiométaboliques nettement supérieurs à ceux observés avec l’alimentation ultratransformée. « Une durée plus longue pourrait être nécessaire pour que les différences de perte de poids entre les régimes se traduisent par des variations cliniquement significatives des facteurs de risque cardiométaboliques », précisent les auteurs de l’étude.

Autre point à noter, le régime ultratransformé a lui-même entraîné certaines baisses, notamment du cholestérol LDL et de la glycémie à jeun, par rapport à l’alimentation standard des participants.

Une consommation plus importante d’aliments ultratransformés

Comment expliquer les différences observées entre les alimentations, si les deux respectaient les mêmes recommandations en ce qui a trait notamment aux calories, aux fibres et aux macronutriments ? L’une des raisons : les participants ingéraient en effet en moyenne 235 calories de plus par jour avec le régime composé d’aliments ultratransformés qu’avec les aliments peu transformés.

« Quand on retire les aliments ultratransformés, les gens consomment spontanément moins de calories », souligne le Dr Josep Iglesies-Grau. Les chercheurs avancent plusieurs pistes pour expliquer ce phénomène. La densité énergétique plus élevée des produits ultratransformés pourrait favoriser une surconsommation. Leur combinaison particulière de gras, de sucre et de sel, souvent qualifiée d’hyperappétente (hyperpalatable), stimulerait également l’appétit. À cela s’ajoutent des caractéristiques sensorielles modifiées par la transformation industrielle — comme la texture, la mastication et le goût — qui influencent la satiété et en­cou­ragent à manger davantage.

Un autre facteur mis de l’avant est l’environnement alimentaire. « Le marketing autour des produits ultratransformés et leur prix plus accessible jouent un rôle en incitant à consommer davantage, ce qui contribue à l’excès calorique », indique le Dr Iglesies-Grau. Contrairement aux aliments peu transformés, les produits industriels sont souvent présentés dans un emballage attractif et associés à des slogans santé ou à des portions suggérées, ce qui peut altérer la perception des quantités appropriées.

Un champ d’études encore jeune

« Ces résultats soulignent l’importance d’inclure le degré de transformation des aliments dans les politiques de santé publique et les recommandations sur l’alimentation, en complé­ment aux directives existantes », écrivent les auteurs de l’étude dans Nature Medicine.

Le Guide alimentaire canadien fait référence aux aliments transformés, mais surtout à leur apport excessif en sodium, en sucres libres ou en gras saturés.

« On commence à peine à en parler dans les recommandations officielles, mais on aurait dû le faire il y a des années », se désole le Dr Josep Iglesies-Grau, qui rappelle d’ailleurs qu’il n’existe toujours aucun consensus scientifique quant à la définition des aliments ultratransformés. « Les intérêts commerciaux compliquent les choses », ajoute-t-il.

Des classifications existent tout de même déjà, comme la classification NOVA, utilisée au Centre ÉPIC de l’Institut de cardiologie de Montréal. Les aliments y sont divisés en quatre groupes : les aliments non transformés ou peu transformés, les ingrédients culinaires transformés (ex. : huile), les aliments transformés (ex. : pain) et les aliments ultratransformés dont la consommation devrait être limitée (ex. : muffin industriel). « J’applique cette classification dans ma pratique clinique, mais aussi dans ma vie personnelle avec ma famille et mes proches, confie le Dr Iglesies-Grau. Ça aide à bien manger dans l’environnement actuel, où 43 % des calories que l’on consomme au Canada appartiennent au groupe des aliments ultratransformés. ».

Pour le cardiologue, les médecins ont un rôle à jouer auprès de leurs patients concernant les aliments ultratransformés. « Le défi est de trouver un équilibre entre transmettre le message à la population et nuancer les informations prouvées par rapport à celles encore à étudier de manière à éviter d’aller plus vite que la science », précise-t-il.

Bibliographie

1. Dicken SJ, Jassil FC, Brown A et coll. Ultraprocessed or minimally processed diets following healthy dietary guidelines on weight and cardiometabolic health: a randomized, crossover trial. Nat Med. 2025 ; 31 (10) : 3297-308. DOI : 10.1038/s41591-025-03842-0.

2. Hall K, Ayuketah A, Brychta R et coll. Ultra-processed diets cause excess calorie intake and weight gain: An inpatient randomized controlled trial of ad libitum food intake. Cell Metab. 2019 ; 30 (1) : 67-77.e3. DOI : 10.1016/j.cmet.2019.05.008.