Nouvelles syndicales et professionnelles

Objectifs de soins chez les patients âgés
En discuter et, au besoin, sortir du cadre

Élyanthe Nord | 1 décembre 2025

Télécharger cet article

Reproduction, adaptation ou distribution du PDF interdite.

Souvent, dans les consultations avec les adultes âgés, les médecins omettent de discuter de l’âge et de ses conséquences sur les examens à effectuer. La Dre Krishna Patel, de New York, et ses collaborateurs ont notamment fait ce constat dans une étude qualitative dans laquelle ils ont interrogé 29 aînés, âgés en moyenne de 79 ans, sur les décisions suivant des tests de tolérance à l’effort et sur leurs désirs.

« Les participants privilégiaient les discussions sur la manière dont les problèmes liés à l’âge pouvaient modifier l’issue des interventions, mais estimaient que les médecins abordaient rarement ces questions, ce qui engendrait de l’anxiété et de la confusion au sujet des résultats des tests », indiquent les auteurs.

Les chercheurs, qui publient leurs résultats dans le JAMA Network Open, ont organisé huit séances de discussion avec des patients de 75 ans et plus qui avaient passé un examen d’imagerie cardiaque à l’effort (échocardiographie d’effort, scintigraphie myocardique de perfusion à l’effort, etc.) pour des symptômes ischémiques dans un hôpital universitaire new-yorkais1. Huit des participants ont indiqué qu’ils présentaient une ischémie, 18 qu’ils n’en étaient pas atteints, et trois l’ignoraient. La prise en charge de 16 (55 %) des patients est restée telle quelle, le traitement médicamenteux de neuf (31 %) a été modifié, trois (10 %) ont eu une angiographie effractive, et quatre (14 %) ont passé un autre test diagnostique.

Quand les résultats d’un examen d’imagerie à l’effort sont positifs, les cliniciens ont souvent deux choix : intensifier le traitement médical ou procéder à des examens complémentaires effractifs, comme une coronarographie avec une revascula­risation potentielle. « Ces décisions post-examen peuvent avoir des conséquences importantes pour les adultes âgés. Ces derniers peuvent être exposés à des risques plus élevés liés aux interventions, à des temps de récupération plus longs et à des avantages incertains en raison des modifications physiologiques liées à l’âge et aux affections gériatriques concomitantes (comme des troubles fonctionnels et cognitifs ainsi que des maladies multiples) », soulignent la Dre Patel et son équipe.

Des facteurs importants comme la mobilité

L’âge en tant que tel n’est pas un problème, estime pour sa part le Dr Quoc Dinh Nguyen, gériatre au Centre hospitalier de l’Université de Montréal et clinicien chercheur. « Il y a des gens de 85 ans qui ont une excellente espérance de vie et chez qui les traitements pourraient être tout à fait semblables à ceux de personnes de 60, de 50, peut-être même de 40 ans. Mais avec l’âge, le risque de maladie neurocognitive, de perte d’autonomie, de fragilité augmente, et il peut être nécessaire de discuter des conséquences de l’âge et des maladies concomitantes qui en découlent. Les participants de l’étude américaine voulaient qu’on aborde ces sujets avec eux. Toutefois, je ne suis pas sûr que ce soit vraiment de l’âge qu’ils voulaient discuter, mais peut-être plutôt de tout ce qui lui est lié. »

Le Dr Nguyen et son équipe effectuent actuellement une étude sur un sujet similaire. « On regarde chez 300 personnes âgées quels sont leurs objectifs de soins et on essaie de voir les facteurs qui prédisent leur préférence pour tel ou tel but. De façon préliminaire, on peut dire que les gens qui ont une atteinte de la mobilité vont prioriser la mobilité, parce qu’ils savent qu’ils ne peuvent pas se permettre d’en perdre davantage. À l’opposé, les gens en parfaite santé vont privilégier l’optimisation du traitement de la maladie », explique le chercheur.

Ces observations ont des implications concrètes. La réduction de l’hypertension en est un exemple. « Nous, les gériatres, avons parfois l’impression que certains patients âgés atteints d’insuffisance cardiaque sont traités très vigoureusement. Leurs doses d’antihypertenseurs sont élevées parce que les études montrent que, chez les personnes plus jeunes, elles prolongent la vie et diminuent les hospitalisations. » Toutefois, chez les aînés, elles peuvent entraîner une fatigue intense. « Une personne âgée pourrait souhaiter, même si cela raccourcit un peu sa vie, une cible un peu moins basse pour avoir plus d’énergie. C’est un exemple de compromis que l’on pourrait faire si le patient privilégie davantage la mobilité. »

Désirs des patients et lignes directrices

La littérature médicale sur les objectifs de soins pour les adultes âgés comporte ses questions classiques. « Est-ce que les gens veulent uniquement le traitement optimal de la maladie ? Est-ce qu’ils souhaitent éviter les hospitalisations ? Est-ce qu’ils désirent moins d’hospitalisations, mais une meilleure qualité de vie ? Il faut regarder ce que la personne veut vraiment », explique le Dr Nguyen. Les patients expriment parfois leurs désirs en termes très concrets. « Ils peuvent dire : “Je veux aller au mariage de mon fils ou je veux vivre au moins jusqu’à Noël, etc.” Cerner l’objectif du patient est une façon de personnaliser les soins. »

Ensuite, les bonnes interventions doivent être déter­minées en fonction des buts du patient. « Comme les maladies concomitantes des aînés peuvent varier, l’impact des traitements va être différent. Les personnes âgées présentent par ailleurs souvent plus de risque de saignement ou de perte fonctionnelle. Pour bien personnaliser les soins, on doit ainsi tenir compte de deux éléments : les objectifs de la personne et ses antécédents qui peuvent modifier le choix du traitement optimal. »

Parfois, cependant, les solutions retenues ne suivent pas les lignes directrices. « Je pense qu’il faut utiliser notre expertise et notre discernement clinique. C’est la beauté de la médecine. Le problème, c’est qu’elle fonctionne de plus en plus avec des protocoles et est de plus en plus standardisée. Il faut, par exemple, prendre telle ou telle mesure pour diminuer les risques de maladies coronariennes. Je crois qu’on doit donc prendre le temps de connaître le patient et de ne pas hésiter, lorsque c’est clair, à dévier de la trajectoire habituelle. Pour moi, c’est ça la bonne médecine. »

Bibliographie

1. Patel KK, Eris T, Pacheco CM et coll. Perspectives on post-stress test decision-making and preferred outcomes among older adults. JAMA Netw Open 2025 ; 8 (8) : e2529033. DOI : 10.1001/jamanetworkopen.2025.29033.PMID: 40856997.