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Fractures après l’hormonothérapie
Un risque qui monte, puis redescend

Maxime Johnson | 1 décembre 2025

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Les bienfaits de l’hormonothérapie substitutive sur le risque de fracture sont bien établis. Pour la première fois, une étude s’y intéresse jusqu’à 25 ans après la fin de la thérapie.

L’hormonothérapie substitutive pour atténuer les symptômes de la ménopause a un effet protecteur sur les os. Mais qu’arrive-t-il lorsque les femmes cessent le traitement ? Une nouvelle étude britannique montre que le risque de fracture augmente rapidement, puis rediminue au fil des ans sous le niveau des femmes qui n’ont jamais suivi d’hormonothérapie. Et plus la durée de l’hormonothérapie est longue, plus l’effet protecteur est important.

Voilà les principales conclusions de l’étude de la Dre Yana Vinogradova de l’Université de Nottingham et de ses collaborateurs, publiée dans la revue Lancet Healthy Longevity1. « C’est une étude très intéressante et d’actualité, surtout que l’hormonothérapie connaît un regain de popularité au Québec », estime la Dre Claudia Gagnon, chercheuse-clinicienne au Centre de recherche du CHU de Québec–Université Laval.

Plus de 25 ans de données analysées

Pour étudier les risques de fracture plus de 25 ans après la fin de l’hormonothérapie, les chercheurs ont utilisé des données britanniques provenant de la Clinical Practice Research Datalink (CPRD).

Pour effectuer une étude cas-témoin imbriquée, près de 650 000 femmes de 40 ans et plus ayant subi une première fracture ont été jumelées à jusqu’à cinq femmes de la même année de naissance, sans antécédents de fracture et provenant du même cabinet médical.

L’âge moyen au moment des premières fractures était de 68,5 ans. Dans le premier groupe, 21,6 % des femmes ont reçu une hormonothérapie à base d’œstrogènes seuls ou d’œstrogènes et de progestérone, pendant une médiane de 3,6 ans, contre 21,9 % pour les cas témoins, pendant une médiane de 3,9 ans. L’équipe a comparé les risques de fracture selon la durée du traitement et le temps écoulé depuis l’arrêt, jusqu’à 25 ans plus tard.

Les analyses statistiques ont en effet tenu compte d’une multitude d’éléments pouvant influencer la santé osseuse, comme l’indice de masse corporelle, le tabagisme, la consommation d’alcool, les maladies concomitantes et la prise de plusieurs médicaments. « Ils ont fait un bon travail pour réduire les facteurs de confusion potentiels, qui sont souvent le principal problème de ces études », souligne la Dre Claudia Gagnon.

Un risque qui fluctue dans le temps

« Les résultats confirment que l’hormonothérapie protège contre les fractures et que cet effet est plus marqué avec les traitements prolongés », explique la Dre Gagnon.

D’abord, et sans surprises, l’hormonothérapie active a été associée à une réduction du risque global de fracture d’environ 25 % par rapport à l’absence d’hormonothérapie. C’est le cas autant des femmes prenant des œstrogènes (rapport de cotes [RC] : 0,76 ; IC à 95 % : 0,74-0,78) que pour celles à qui une combinaison d’œstrogènes et de progestérone a été pres­­crite (RC : 0,75 ; IC à 95 % : 0,73-0,76).

Comme certaines études précédentes l’avaient montré, le risque augmente rapidement après la fin de la thérapie. Dans les années après la cessation de l’hormonothérapie, le risque de fracture dans l’ensemble est même plus élevé chez les femmes qui avaient pris des hormones de substitution que chez les autres (RC : 1,06 pour la prise d’œstrogènes-progestérone ; IC à 95 % : 1,05-1,08 et RC : 0,99 pour la prise d’œstrogènes ; IC à 95 % : 0,98-1,01). « Ce n’est pas une grande augmentation du risque relatif », observe toutefois la Dre Claudia Gagnon. Après dix ans, le risque redescend sous celui des femmes n’ayant jamais suivi d’hormonothérapie (RC : 0,93 ; IC à 95 % : 0,91–0,94 et RC : 0,95 ; IC à 95 % : 0,94-0,96).

L’association entre l’hormonothérapie et les risques de fracture varie notamment en fonction de la nature et de la durée du traitement. En pratique, pour une prise d’hormones de moins de cinq ans, les chercheurs évaluent par exemple le risque de fracture à 14 de plus pour 10 000 femmes-années pour les années un à dix suivant une thérapie d’œstrogènes et de progestérone, et trois fractures de moins par la suite. Après plus de cinq ans d’hormonothérapie, ce sont plutôt cinq fractures de plus pour la même période, puis 13 de moins par la suite (tableau).

 

Des questions sans réponse

Si l’étude publiée dans le Lancet Healthy Longevity1 clarifie la trajectoire du risque de fracture après l’hormonothérapie, elle laisse aussi plusieurs interrogations en suspens. « On voit l’association, mais on ne connait pas les mécanismes. D’autres études seront nécessaires pour examiner plus en détail ce qui se passe après l’arrêt », estime la Dre Gagnon.

La chercheuse-clinicienne préfère d’ailleurs faire preuve d’une certaine prudence. « Comme toute étude d’observation, elle peut comporter des biais résiduels, entre autres un biais d’indication. En effet, les femmes qui ont suivi une hormonothérapie présentaient peut-être un risque plus élevé de fracture, ce que semble montrer la plus grande prévalence d’ostéoporose et de facteurs de risque d’ostéoporose chez les femmes sous hormonothérapie dans l’étude », explique-t-elle. Les femmes qui sont plus à risque après le traitement hormonal pouvaient, par exemple, simplement l’être davantage avant. « C’est peut-être aussi un effet réel, mais cette étude ne permet pas de le confirmer », tempère-t-elle.

Un effet clinique

Selon la Dre Claudia Gagnon, les résultats de cette étude ne changent pas fondamentalement la pratique clinique actuelle, mais ils invitent tout de même à porter une attention parti­culière à la fin de l’hormonothérapie. « Ces résultats indiquent qu’il faudrait peut-être avoir une discussion sur la santé osseuse avec nos patientes au moment de l’arrêt de l’hormonothérapie », croit-elle.

« Si une femme avait un plus grand risque de fracture initialement, il faudrait réévaluer son risque fracturaire une fois qu’elle ne sera plus protégée par le traitement hormonal. Et si on juge que c’est nécessaire, il faudra peut-être lui proposer un autre traitement pour protéger ses os ou encore prévoir un suivi de sa santé osseuse », explique la Dre Claudia Gagnon.

Chose certaine, l’étude de l’Université de Nottingham tombe à point. « Il y a dix ans, on prescrivait tellement peu d’hormo­nothérapie que les résultats n’auraient pas changé grand-chose. Mais aujourd’hui, c’est différent, croit la chercheuse-clinicienne universitaire. Il manque encore plusieurs ré­ponses. Il faudra continuer la recherche, mais la question est vraiment pertinente. »

Bibliographie

1. Vinogradova Y, Iyen B, Masud T et coll. Discontinuation of menopausal hormone therapy and risk of fracture: nested case-control studies using routinely collected primary care data. Lancet Healthy Longev 2025 ; 6 (7) : 100729. DOI : 10.1016/j.lanhl.2025.100729.